Hustler Magazine, 1974
Traduit de l'anglais par Jürgen Verfaillie & Phil A.

Hustler : Ton album Over-Nite Sensation a été un succès financier magnifique. Est-ce la voie que tu vas suivre maintenant ? Plaire plus aux gens ?

FZ : Et bien, ça dépend. Plaire aux gens dépend du fait qu’ils aiment ou non ce que je fais. Si tu aimes ce que je fais, ça te plaît, si tu n'aimes pas, ça ne te plaît pas. Clairement, mes albums antérieurs n'ont pas plu à des millions de gens, puisqu'ils ne les ont pas achetés. Aucun d’entre eux n’est "disque d’or".

Hustler : As-tu déjà reçu un disque d'or ?

FZ : Jamais.

Hustler : Downbeat magazine a rédigé une critique défavorable pour "Over-Nite Sensation". Est-ce que tu es au courant de cette sorte d'antagonisme qui existe entre le monde du jazz et celui du rock ?

FZ : La critique de Downbeat, il faut la prendre avec un grain de sel, parce que je n'ai pas grand-chose à en dire. Si tu sors un album avec des textes, ils vont dire que ça ne peut pas être un album jazz : il y a des textes rock 'n' roll dedans. Alors, on ne peut pas lui donner une bonne note, parce qu'il ne s'agit pas d'un album jazz. Voilà à peu près ce qui est arrivé à "Over-Nite Sensation". Autre chose : chaque fois que j'écris des textes contenant des références sexuelles spécifiques et que je commence à parler d’histoires de sexe, je n'en parle pas comme les autres groupes le font. Je ne tourne pas autour du pot, je raconte exactement ce qui se passe. Il y a beaucoup d'écrivains qui sont un peu perturbés par l'idée du sexe. S'ils entendent quelque chose sur un album qui fait référence à des fonctions du corps ou au plaisir, ils paniquent. Ils sont incapables de s'identifier, alors ils se sentent obligés de dire quelque chose de défavorable. Et ça c'est déplorable. Je suppose que c'est pour cette raison qu’ils sont écrivains, ils s’arrêtent aux apparences. Ils ne touchent pas assez de «minous». Ils restent assis là, à taper sur leur machine à écrire…

Hustler : N'as-tu aucun diplôme de musique ?

FZ : Je n'ai aucun diplôme. J'ai la chance d’avoir un certificat d’études secondaires. J'ai fait de mon mieux pour me tirer de là, mais ils m'ont tout de même donné mon certificat. Il me manquait quelque chose comme 20 ou 30 points pour avoir le bac. Ils n’arrêtaient pas de m'expulser, alors je ne faisais plus mes devoirs. Ils ont fini par décider de me laisser passer, plutôt que d'avoir à me garder une année de plus.

Hustler : Tu n'est pas ravi ? Avec toute la merde qu’il faut se trimballer à travers les études universitaires ?

FZ : Ouais. L'école est une merveilleuse préparation à la vie en usine. Et rien d’autre. Ou alors ils te préparent à devenir un consommateur, ou alors ils te préparent à être le type qui attache les pare-chocs à l’avant des Chevrolet.

Hustler : Et l'université ?

FZ : Même chose. Le meilleur truc à l'université, c'est la baise. Aux écoles secondaires, on peut également ? ? ?, mais c'est un peu plus dur. Le côté pratique de l’université, c'est que c'est un super lieu pour se rencontrer, se retirer et construire sa petite vie en commun. Parce que si tu ne vas pas à l'uni, ou dans un autre lieu où l’on trouve une grande concentration de gens du même avis, tu finis par passer tout ton temps dans les bars.

Hustler : Compte tenu de l'apathie qu’il y a un peu partout, penses-tu qu'il y aura un jour une révolution aux Etats-unis ?

FZ : Quel genre de révolution ? Tu veux dire des gens hurlant et courant dans les rues avec des faux et des machins ? Non, mais je pense quand même que Richard Nixon est un criminel. Ce n'est pas un arnaqueur, c'est un criminel. Si l'apathie te paraît nouvelle, c'est parce que tu n'as pas passé assez de temps sur scène.

Hustler : Que penses-tu de Patricia Hearst ?

FZ : Pas de commentaire.

Hustler : Ecriras-tu un jour une autobiographie ?

FZ : Probablement pas. Je l'ai déjà écrite.

Hustler : ?

FZ : Je suis sans cesse en train de l'écrire. Crois le ou non, mais ces chansons me sont véritablement arrivées.

Hustler : L'autobiographie de David Bowie, jusqu’à quel point était elle correcte ?

FZ : Elle n'est pas très précise. En fait, c'est un tas de merde.

Hustler : De quels écrivains te sens-tu proche ?

FZ : Je ne lis pas trop. Je n’aime pas ça. La plupart des gens qui écrivent ont tellement de problèmes intérieurs que ça pollue l'histoire qu'ils écrivent.

Hustler : Quelles sont tes impressions à propos de l'interview que tu as faite pour 'Kennedy and Company' ? Il semble que Kennedy ait préféré aborder l’aspect mercantile, plutôt que de parler de ta musique.

FZ : Et bien, tu sais, il a choisi les questions qu'il jugeait intéressantes, en fonction de l'audience qu'il pensait avoir. Ce n'était qu'un TV show ? ? ?

Hustler : Et l'interview de Dick Cavett ?

FZ : En fait, c'était assez bidon. Il n'avait aucune bonne question. Il avait peur de me parler. Il était simplement zéro. Nul ! Il ne savait rien du tout. Il ne m'avait jamais entendu avant ça. On n’avait tout simplement rien à se dire. C'est ça le problème avec les talk shows où tu vas. La plupart des présentateurs ne savent rien du tout au sujet du rock ‘n’ roll. Ils disposent de départements de recherche et de secrétaires qui leur donnent un papier où tout est bien expliqué : il a fait ceci ou cela… Mais à la fin, ils ne savent toujours rien. Alors c'est jamais une interview en profondeur.

Hustler : Est-il possible de faire une interview en profondeur à la télé, ou le médium lui-même pose-t-il des problèmes ?

FZ : J'en ai fait une à Indianapolis, Indiana (qui passera probablement sur une télé éducative) avec un mec que je connais depuis quelques années. Elle sortira bientôt. Une chose que je peux dire, c'est que je donne rarement une interview exclusive. Si quelqu'un veut me parler, je vais lui parler. Dans la mesure où je ne suis pas mort de fatigue. Il n'y a pas de différences en si c’est une revue étudiante. Je ne suis pas exclusif.

Hustler : Etes-vous en train de travailler sur des B.O. pour des films ?

FZ : Je l'ai fait il y a longtemps. J'ai fait deux films, et la musique de 200 Motels. Un des films pour lesquels j’ai fait la musique, je l'ai faite à l'âge de 20 ans. J'étais le compositeur le plus jeune à faire ce genre de travail. Ça s'appelait "Run Home Slow". C'était un Western. On peut le voir sur la télé de temps en temps. C'est un navet. Il y quelques moments marrants. En fait, il y a une scène qui vaut la peine, c'est une scène où une nymphomane se fait violer par un bossu près de la carcasse d'un âne mort, dans une grange. Mais cette partie sera probablement censurée à la télé.

Hustler : Pourrais-tu expliquer ce truc, partir vers Montana, que tu chantes dans "Over-Nite Sensation" ? Montana semble maintenant être devenu un terme underground pour exprimer quelque chose. Le truc bizarre, c’est que j'ai remarqué des références à ça dans "Slaughterhouse Five" (Abatoir 5 de George Roy Hill, d’après le livre de Kurt Vonneguth jr) et dans "Sleeper" (Woody et les robots) de Woody Allen.

FZ : Quoi : s'en aller au Montana ? Je n'ai jamais vu "Sleeper" et je n'ai jamais lu "Slaughterhouse Five". Je ne sais pas pourquoi ils aimeraient s'en aller au Montana ! Le mien est différent.

Hustler : Pourquoi veux-tu aller au Montana ?

FZ : Et bien, en ce moment, je ne veux pas m’en aller au Montana. Ils ont quelques problèmes là-bas. Ça me semble tout simplement un lieu agréable pour ? ? ?.

Hustler : As-tu changé ton image au fil des années ?

FZ : Bien sûr ! Je le fais depuis 10 ans. J'ai 33 ans. En fait, ce n'est qu’au cours des 7 dernières années qu'on a commencé à jouer dans les universités. Pendant à peu près 2 ou 3 ans, nous étions sur une liste de groupes à ne pas engager pour des concerts dans les universités. Nous avons toujours présenté un certain type de spectacle visuel et nous avons entretenu une image pour vous donner l'impression du contraire.

Hustler : D'où vient l'idée de la barbiche et la moustache qui sont devenues tellement célèbres ?

FZ : Je l'ai eu pendant des années, avant d'avoir le groupe. Ce truc me dépasse du menton de temps en temps. Quand je vois qu’il pousse, je le raccourci. Je dois entretenir ma moustache sinon, après 3 ou 4 jours, elle commence à entrer dans ma bouche et je finis par manger ma moustache avec mes aliments.

Hustler : Où as-tu trouvé ces chaussures ?

FZ : Ce sont des chaussures normales qui ont été peintes par une personne folle.

Hustler : Quelqu'un qu'on connaît ?

FZ : Oui, Carl Franzoni. Tu te souviens de Carl ? Carl Franzoni - incroyable mais vrai - est maintenant le commissionnaire des parcs et jardins dans une ville en Californie.

Hustler : Que penses-tu de la drogue ?

FZ : Je pense qu'elle est OK pour ceux qui l’aiment.

Hustler : Qu'est-ce que tu as prévu dans le futur ? Quelque chose de grand ?

FZ : J'ai toujours quelque chose de grand de prévu.